Anna Julia Cooper, pionnière du féminisme noir

Anna Julia Cooper est une enseignante, militante, historienne africaine-américaine, pionnière du féminisme et de l’antiracisme. Elle a été la première femme à soutenir une thèse d’histoire sur l’abolition de l’esclavage, à la Sorbonne en 1925.

Anna Julia Haywood est née le 10 août 1858, à Raleigh en Caroline du Nord (Etats-Unis). Sa mère, Hannah Stanley Haywood, était une femme réduite en esclavage, domestique de George Washington Haywood, et Anna Julia naît ainsi avec le statut d’esclave. Elle pourrait être la fille de George Washington Haywood lui-même ou de l’un de ses fils.

Alors que l’esclavage est aboli en 1865 à la fin de la guerre de Sécession, elle obtient deux ans plus tard une bourse pour poursuivre des études au Saint-Augustine College, qui forme des enseignantes pour les nouveaux libres. Élève brillante dans tous les domaines, Anna Julia Cooper parvient à se faire inscrire dans la classe des garçons, car elle juge insuffisants les « ladies’ courses » (cours où les femmes apprennent à être de bonnes ménagères). C’est à Saint-Augustine qu’elle rencontre celui qui deviendra son mari : le révérend George A. C. Cooper, qu’elle épouse à 18 ans, mais qui décède deux ans plus tard.

Alors qu’elle n’a que 20 ans, sa condition de veuve lui permet de poursuivre ses études et sa carrière d’enseignante car désormais, aux yeux de la société du 19ème siècle, elle n’est plus contrainte d’enfanter et d’assurer le rôle d’une femme au foyer. D’abord enseignante à Sain-Augustine, elle est admise à l’université d’Oberlin dans l’Ohio en 1881 où elle obtient une licence et un master en mathématique.

En 1887, Anna Julia Cooper s’installe à Washington DC pour enseigner à la Washington Colored High School, dont elle devient en 1901 la directrice. Contre les idées de Booker T Washington, elle se range derrière W.E.B. DuBois qui plaide pour que les Africains-Américains accèdent à l’enseignement supérieur.

A son arrivée à Washington, Anna Cooper vit avec la famille d’Alexander Crummell. Grande figure du mouvement pour les droits civiques des personnes noires, il l’introduit dans l’élite sociale et intellectuelle noire de Washington. En 1892, elle publie son premier livre A Voice from the South : By A Woman from the South (Une voix du Sud : par une femme du Sud), un ouvrage considéré aujourd’hui comme précurseur du « Black feminism » (féminisme noir). Devenue une figure incontournable du mouvement des droits civiques et de l’autodétermination des femmes, elle est invitée en 1893 au Congrès mondial des organisations représentatives des femmes à Chicago puis en 1900, à Londres à la première conférence panafricaniste, où elle prononce un discours sur « The Negro Problem in America » (Le Problème Noir en Amérique).

En 1914, Anna J. Cooper entreprend de passer un doctorat à Columbia University, sur Le Pèlerinage de Charlemagne, un texte du Moyen-Âge français, mais elle doit s’interrompre après avoir adopté les cinq enfants de son demi-frère. C’est à Paris, dans les années 1920, qu’elle reprend ses travaux, à La Sorbonne, mais elle est alors obligée de changer de sujet. Frappée par les débats en France sur la liberté des Noirs, elle choisit de travailler sur « L'attitude de la France sur la question de l'esclavage entre 1789 et 1848 », sujet dont elle vient à bout en 1925, devenant ainsi, à 66 ans, la première historienne noire à obtenir un doctorat à la Sorbonne et la quatrième femme afro-américaine à obtenir un doctorat.

Ecrite avec une plume alerte et souvent ironique, sa thèse reste un texte important pour comprendre les contradictions entre les principes de liberté et d’égalité proclamés par la Révolution française et une réalité coloniale dominée par l’esclavage, où les décisions sont dictées par des intérêts économiques, politiques ou impérialistes. Sa soutenance à la Sorbonne se fit en présence de Jane, l’une des sœurs Nardal, qui en fut fortement impressionnée, marquant ainsi l’influence transatlantique de l’intellectuelle américaine.

De retour aux Etats-Unis, Anna Julia Cooper poursuit son engagement en faveur de la démocratisation de l’éducation. Présidente de l’université Frelinghuysen, elle travaille à l’alphabétisation des travailleurs pauvres africains-américains, tout en continuant à écrire des textes de réflexion ou de souvenirs.

Elle meurt le 27 février 1964, à Washington, à l'âge de 105 ans, quelques mois avant le vote du Civil Rights Act. Aujourd’hui, ses textes ont été republiés, sa correspondance éditée, et l’une de ses citations a été ajoutée aux pages 24 et 25 des passeports américains délivrés en 2016 :

« La cause de la liberté n'est pas la cause d'une race ou d'une secte, d'un parti ou d'une classe - elle est la cause de l'humanité, le droit fondamental de l'humanité même. »

Honorée dans son pays, Anna Julia Cooper est aujourd’hui redécouverte en France : les 19 et 20 juin 2025, un colloque international s’est tenu à la Sorbonne pour le centenaire de sa soutenance, à l’occasion duquel des chercheurs et chercheuses des deux continents ont rendu hommage à sa vie et sa pensée.

Sources d'informations

Les principales œuvres d’Anna Julia Cooper sont disponibles en ligne :

Articles scientifiques de chercheurs contemporains (en anglais) :Dubois
 

Les biographies associées